Ce blog commente l'actualité des technologies de l'information et de la communication utilisées dans les relations industrie-commerce de la chaîne d'approvisionnement à la gestion de la demande.

dimanche 24 octobre 2010

l'affichage de l'information environnementale, simple mais pas simpliciste


le 21 Octobre 2010 conférence ANIA, FCD  ADEME, sur l’affichage environnementale.

Dans le cadre du Grenelle 2, l'Ania (Association nationale des industries alimentaires), la FCD (Fédération des entreprises du commerce et de la distribution) et l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) ont mené une expérimentation sur la « faisabilité de l’évaluation environnementale ». Elle portait sur 300 références de produits, dont 150 alimentaires. Elle était fondée sur une analyse multicritères prenant en compte l'intégralité du cycle de vie d'un produit. Elle a été réalisée par un consortium d'experts (Bio Intelligence Service, RDC Environnement et Interek, spécialistes des analyses de cycles de vie de produits et des études dans le domaine de l'information environnement et santé).
Les résultats mettent en exergue plusieurs difficultés, et en particulier,
- l'insuffisance des bases de données disponibles,
- l'imprécision de la méthode utilisée, ne permettant pas toujours de distinguer les produits au sein d'une même catégorie,
- la difficulté à obtenir certaines informations liées au transport et à la fabrication, notamment lorsque le produit est conçu à l'étranger.
De cette expérimentation il résulte les décisions suivantes :
- la création d'une base de données publique sur des indicateurs pertinents (émissions de gaz à effet de serre, qualité de l'eau...) financée par les pouvoirs publics,
- le développement de méthodes d'évaluation commune et harmonisée, applicable aux secteurs concernés.

Ces éléments pourront être utilisés, comme le prévoit la Loi Grenelle 2, à partir du 1er juillet 2011, par les entreprises agroalimentaires et les enseignes de distribution pour poursuivre leurs expérimentations sur l’information environnementale des produits à l’usage des consommateurs.

Ces annonces ont été suivies de débats avec des représentants des consommateurs (Thierry Saniez Délégué général de la CLCV), des distributeurs (Pierre-Alexandre Teulié, Secrétaire général de Carrefour), des fournisseurs (Jean-Bernard Bonduelle de Bonduelle, Myriam Cohen Directrice Générale Nature de Danone), des régulateurs (Nathalie Homobono Directrice générale de la DGCCRF, Catherine Larrieu Chef de la Délégation au développement durable du Commissariat Général au développement durable, Philippe Van de Maele Président de l’ADEME),  et du législateur (Christian Jacob, Député, Président de la commission développement durable de l’Assemblée Nationale). Puis d’une intervention de Chantal Jouanno, Secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie.
Le représentant des consommateurs a manqué un peu de convictions dans l’expression de la demande d’un affichage environnemental. C’est sans doute pourquoi il a beaucoup insisté sur la nécessité d’une « communication très forte » sur cette information lorsqu’elle sera mise en place. Est-ce à dire que le grand public, les consommateurs, restent à convaincre sur l’importance de prendre en compte l’impact environnemental de leur consommation ? M. Teulié s’est fait l’écho d’un souhait de simplicité de l’affichage tout en réclamant une approche globale (eau, terre, carbone, bio diversité, …). Ce qui apparaît contradictoire et ne va pas simplifier la tâche des professionnels.

Les représentants des fournisseurs (Danone et Bonduelle) ont clairement exprimé leurs inquiétudes sur les risques de distorsion de concurrence qui pourrait résulter d’une approche trop simpliste. Tout en soulignant également qu’une approche multi critères coutera nécessairement plus chère, et que de bien entendu, selon les sondages d’opinion, le consommateur n’est pas prêt à payer pour cette information.  
Et de citer l’exemple du lait dont l’empreinte carbone varie de 1 kilo de CO² au litre à 7 kCO² en fonction de la méthode et du lieu de production. Faut-il inciter le consommateur à ne plus consommer de fromage de Salers ? M. Bonduelle a donné quelques chiffres sur la répartition de l’empreinte environnementale de ses produits, 18% provient de l’agriculture, 17% du processus industriel, 25% du transport, et 40% de l’emballage. Il a aussi souligné des écarts très importants trouvés lors de l’expérimentation entre des produits similaires, allant de 12 à 30% dans l’émission de CO².
La démarche sera donc difficile et longue avant d’aboutir à une méthode commune, mais il s’accorde pour soutenir la constitution de la base de données commune en particulier sur l’aspect agricole.
Pour la distribution Carrefour a repris la position très prudente de Jérome Bédier lors de son intervention inaugurale émettant des réserves sur l’efficacité d’un affichage direct sur le produit. La tâche sera complexe pour les fabricants mais elle sera titanesque pour les distributeurs qui ont à veiller à l’affichage, non pas  de quelques centaines de produits mais de centaines de milliers.
D’autre part les compositions de certains produits sont des recettes confidentielles, comment dans ces conditions évaluer l’empreinte d’une boisson gazeuse bien connue ou d’une pâte à tartiner non moins renommée.
La démarche ne sera un succès que si les PME et TPE peuvent la mettre en œuvre, et pour cela la base de données gratuite des empreintes par catégorie de produit est indispensable.
Les industriels et les distributeurs s’accordent aussi pour demander que l’approche soit globale au sens des marchés. La France ne peut avoir une position isolée. Elle ne peut pas pénaliser son industrie par une régulation trop forte et franco-française et ce serait une démarche inapplicable.
Le rôle du consommateur est essentiel, rappelle Carrefour,  une grande partie de l’impact environnemental des marchandises se produit après l’acte d’achat et est fortement influencée par le comportement du consommateur. Un affichage uniquement sur le conditionnement ne sera pas suffisant et il sera dans tous les cas réducteur. Il faudra de l’information en ligne pour traduire la complexité du sujet, mais aussi participer à l’éducation du citoyen et répondre aux demandes complémentaires des populations sensibilisées et plus concernées.
Le législateur, Christian Jacob, se fait le représentant des agriculteurs mais aussi des acteurs économiques, en déclarant que « la nature c’est important mais que les hommes et les femmes le sont plus ». Et que dès lors il faut garder présent à l’esprit l’économique et le social et c’est pourquoi l’approche multicritères doit être privilégiée. Et c’est aussi pourquoi le Grenelle 2 à substituer l’obligation d’affichage environnementale au 1er janvier 2011 du Grenelle 1, une période d’expérimentation. Et à l’issu de cette expérimentation le projet reviendra devant le parlement pour une discussion nouvelle concernant cette affichage, et pour décider ou non s’il sera inscrit dans la loi.
Les représentants des régulateurs expriment tous leur implication dans la défense d’une approche globale multi critères ; carbone, eau, terre, biodiversité, origine, recyclabilité, etc.… Mais de leurs propos transpirent le constat de l’isolement de la France dans cette approche. Et cette crainte est partagée par tous, y compris par Chantal Jouanno qui conclura son intervention en insistant sur la nécessité d’une démarche de standardisation et d’une implication forte de la France dans le concert international s’appuyant sur une stratégie d’alliance.
Le Président de l’ADEME le dira dans la séance de questions réponses, « c’est vrai que si nous n’y prenons pas garde, l’empreinte carbone s’imposera comme seul affichage ». N’est ce pas déjà reconnaître qu’il est un peu tard ?